20 mois de génocide et toujours l’impunité !
Encore Gaza, encore la Palestine. N’y a-t-il pas d’autres guerres sur Terre ? Oui, beaucoup même. Est-ce une raison pour ne plus parler d’un nettoyage ethnique retransmis en direct depuis plus de 600 jours ? Non.
Si le vent a légèrement tourné sur le plan médiatique et politique — mais sans réel bouleversement —, la famine organisée perdure. Les bombes continuent de s’abattre sur les civils, et les rares bâtiments encore debout sont délibérément ciblés, comme pour effacer toute trace de vie sur ce territoire. Ce n’est pas Call of Duty, mais bien la vie quotidienne des Gazaouis depuis une année et demie. Un siège permanent. Plus aucun lieu sûr où aller. Dans certains récits, des familles expliquent que leur seule volonté, c’est de mourir ensemble. L’espoir a été piétiné, anéanti, comme balayé par les vents de feu qui rasent la bande de Gaza.
Aujourd’hui, le temps de l’indignation a assez duré. Nous avons besoin d’actions concrètes. Les pétitions et les haussements d’épaules ne fonctionnent pas. Dans une chronique sur France Inter, Cyril Dion terminait son texte par cette phrase : « Nous admirons les résistants d’hier. Il est temps de devenir les résistants d’aujourd’hui. » À l’instar des membres de la Flottille de la liberté, ces militant·es se sont levés et ont pris des risques pour tenter de briser le blocus. Comme ces milliers de marcheurs qui sont, à l’heure où ces lignes sont écrites, en train de rejoindre Rafah pour dénoncer le blocus humanitaire et le génocide en cours. Lors de certaines manifestations ici, en Suisse, on a pu apercevoir la banderole « Globalize the Intifada ». Mondialiser le soulèvement, c’est bien de ça que Gaza a besoin en ce moment pour faire plier le régime fasciste israélien. Faire pression dans la rue sur nos gouvernements, quitte à désobéir, quitte à enfreindre des lois, car le but ultime va bien au-delà de quelques règles. C’est notre humanité qui est en jeu. Plus qu’une boussole morale, c’est un idéal de vie.
À quoi bon lutter contre les injustices et défendre la solidarité si nous restons incapables de nous révolter face à un génocide, commis avec le soutien moral des puissances occidentales, y compris la Suisse ? Et tant mieux si les Jeunes UDC, dans leur médiocrité la plus totale, pondent un communiqué lunaire évoquant un prétendu « terrorisme urbain » à propos des manifestations qui ont eu lieu à Lausanne et à Genève. Eh bien oui, être contraint de souper à 20 h 30 plutôt qu’à 18 h 30 à cause d’un retard de train, ça mérite bien cette comparaison grotesque. C’est d’ailleurs probablement bon signe d’être aux antipodes de cette jeunesse réac à la ramasse.
Désobéir et s’exprimer bruyamment ne menacent pas la société ; au contraire, cela permet de faire naître un mouvement et de donner corps à une indignation générale. Parce que quand tout aura disparu et que le nettoyage ethnique sera totalement opéré, il sera trop tard. Comment nous jugeront nos descendants, celles et ceux qui étudieront l’histoire de ces dernières années ?
La Suisse, comme tout le monde occidental, a une part de responsabilité en ne prenant aucune sanction. Se contenter de faire les gros yeux à un criminel de guerre est non seulement insuffisant, mais franchement risible. Un embargo militaire total contre Israël serait, au minimum, un premier pas concret. Ensuite, remettre en question sérieusement les accords économiques et diplomatiques avec cet Etat voyou. Mais cela exige du courage, et l’honnêteté de ne pas se réfugier derrière de fausses excuses. En bombardant l’Iran, le gouvernement de Netanyahu continue sa fuite en avant pour maintenir en vie sa carrière politique et échapper à toute destitution. C’est aussi l’occasion d’oublier, durant cette période, le génocide toujours en cours à Gaza et de repousser toutes les discussions officielles sur la reconnaissance de l’État palestinien.
Le Grand Conseil, pourtant tenu par une large majorité bourgeoise, a adopté une résolution appelant à une action claire de la Suisse pour la paix à Gaza. C’est dire si l’heure est gravissime. Sous l’impulsion du PS – Clément Borgeaud y revient en détail en page suivante – il a été demandé à la Confédération d’agir. La Ville de Sion est également en discussion sur une résolution similaire, s’inspirant directement des villes de Lausanne et de Genève.
Si ces petites victoires symboliques nourrissent l’espoir d’une prise de conscience collective, il reste essentiel de maintenir la pression : continuer à dénoncer, à manifester et à agir partout et sans relâche.
Yoann Bodrito, rédacteur en chef