Le 3 mars prochain la population suisse sera amenée à voter sur l’initiative dite « pour une prévoyance sûre et pérenne ». Initiative déposée par les jeunes libéraux-radicaux en 2021, avant même que l’augmentation de l’âge de la retraite des femmes ne soit acceptée par la population et qui vise à augmenter l’âge de la retraite en fonction de l’augmentation de l’espérance de vie.
Les hypothèses à l’origine de ce projet sont bancales et incomplètes, ce qui mène forcément à une proposition incohérente, antisociale et qui touche une fois de plus les plus précaires.
Parmi les hypothèses erronées il y a le ratio d’actifs par rapport aux retraités (6 pour 1 lors de l’introduction de l’AVS contre 3,2 pour 1 aujourd’hui). Ainsi présenté, le problème de financement parait évident. Or si l’on creuse un peu, on se rend compte d’une part qu’au début de l’AVS la grande majorité des femmes, considérées comme actives, n’avaient pas de salaire (ce qui rend le ratio 6 pour 1 totalement incohérent pour l’argumentation) et d’autre part, que c’est bien l’évolution de la masse salariale globale (en constante augmentation) qu’il faut prendre en compte dans ce débat, précision importante qui est bien sûr absente de la documentation des initiants.
À cette erreur involontaire ou assumée, s’ajoutent des conséquences si l’initiative devait passer, que les jeunes PLR se gardent bien d’évoquer :
- Non prise en compte des gains de productivité avec l’émergence de l’IA et l’accélération de l’automatisation/robotisation
- Espérance de vie en bonne santé de 72 ans (et encore plus faible pour les travailleurs/travailleuses qui occupent des emplois pénibles et souvent mal rémunérés) ;
- Quid des millions d’heures de travail bénévole des jeunes retraités (monde associatif ou garde d’enfants) ;
Nous constatons, une fois de plus, que la droite bourgeoise se soucie d’avantage des caisses de l’Etat (qui se portent globalement très bien, merci pour elles) que du bien-être de la population. Cette proposition rigide ne tient absolument pas compte de la réalité des travailleurs et travailleuses de notre pays et balaie d’un revers de main les acquis sociaux et le droit à un repos en bonne santé mérité après une vie de travail.
Dans un livre de Bronnie Ware qui s’intitule « Les 5 plus grands regrets des personnes en fin de vie », le regret numéro deux est celui d’avoir consacré trop de temps à son travail. Je comprends parfaitement que pour un·e jeune libéral·e, fervent·e défenseur de l’initiative, la retraite est lointaine et que son lit de mort, il/elle n’y pense pas, et c’est tant mieux. En revanche, vouloir imposer un travail forcé jusqu’à la limite de l’espérance de vie en bonne santé aux travailleurs et travailleuses d’un pays aussi riche que la Suisse, est une proposition immature et irréfléchie.
Pour toutes ces raisons, et bien d’autres encore, disons NON le 3 mars prochain à cette initiative.
Yannick Morand