José « Pepe » Mujica est l’un de ces rares dirigeants politiques qui laissent une empreinte profonde, non pas par leur richesse ou leur pouvoir, mais par leur humilité, leur cohérence et leur intégrité. L’homme qui a gouverné l’Uruguay de 2010 à 2015 est malheureusement mort mardi 13 mai à l’âge de 89 ans. Si les médias n’ont en pas forcément parler abondamment, il serait dommage de se priver de rendre un hommage ici à cette figure de la gauche latino-américaine.
Né en 1935 dans une famille modeste en Uruguay, Mujica a grandi avec des valeurs simples, proches de la terre et des gens. Très tôt engagé politiquement, il rejoint dans les années 1960 les Tupamaros, un mouvement de guérilla urbaine d’inspiration marxiste qui lutta contre les inégalités et l’autoritarisme dans le pays.
Ce choix radical lui coûta cher : arrêté à plusieurs reprises, il passa près de 14 ans en prison, souvent dans des conditions extrêmes, à l’isolement, dans des cellules minuscules, parfois sans lumière. Loin de le briser, cette expérience forgera chez lui une philosophie de vie centrée sur l’essentiel, la liberté intérieure, et une profonde tolérance envers ceux qui pensent autrement.
Libéré après le retour à la démocratie en 1985, Mujica ne choisit ni la rancune ni la revanche. Il s’engage dans la vie politique institutionnelle, devient député, puis ministre, avant d’être élu président de la République d’Uruguay en 2010. Pendant son mandat (2010–2015), il étonne le monde entier par sa manière de vivre : pas de palais présidentiel, mais une modeste ferme à la campagne ; pas de cortège blindé, mais une Volkswagen Coccinelle bleue ; pas de salaire mirobolant, mais des dons réguliers de 90 % de ses revenus à des causes sociales.
Mais Pepe Mujica ne se résume pas à un style de vie atypique. Sous sa présidence, l’Uruguay a connu des avancées majeures : légalisation du mariage pour tous, régulation du cannabis à l’échelle nationale, réformes sociales profondes, et un accent fort mis sur l’éducation, la justice sociale et la sobriété écologique. Il a su allier réalisme politique et vision humaniste, avec un discours toujours empreint de bon sens et de valeurs universelles.
Même après son mandat, Mujica reste une voix respectée, écoutée et admirée à l’international. Ses discours, souvent empreints de philosophie, d’humour et de lucidité, appellent à une vie plus simple, plus solidaire, loin de la consommation effrénée et de la course au profit.
José Mujica est un exemple vivant que l’on peut faire de la politique autrement, avec honnêteté, cohérence et humanité. Dans un monde souvent cynique, il rappelle que l’éthique et la simplicité peuvent être des forces puissantes.
Yoann Bodrito, rédacteur en chef