La Fête Dieu, on y participe tous les 5 ans quand on fête son propre village ou chaque année lorsqu’on est élu·e.
Chaque catégorie a sa tenue : les grenadiers en grenadiers, les militaires en militaires, les villageoises en habit traditionnel, et les autorités… en costar … d’autorité pour les hommes, et … en villageoises pour ces dames ! C’est drôle ça, non ? Pourquoi cette différence de traitement ? En tant qu’autorité dans la catégorie autorité, on doit bien être reconnaissable comme tel, non ? Qui sur les photos que vous avez sous les yeux fait figure d’autorité ? Surprise, ce ne sont pas ces dames en cotën traditionnel !
Il faut tout d’abord se rappeler que les femmes n’ont eu le droit de participer à la fête dieu que depuis 2003 dans la procession officielle, avec le costume traditionnel évidemment. C’est ainsi que les traditions évoluent – lentement nous dit-on. Si j’ai grandi dans ces traditions et y suis attachée, les quatre dernières années m’ont quand même permis de réaliser le poids et le prix que ces traditions annuelles pour les femmes pouvaient représenter :
- Le costume : si l’on n’en possède pas, il vous en coûtera de CHF 100.- à CHF 150.- par jour et chaque année pour en louer un.
- Trouver une habilleuse (qui se font de plus en plus rares) pour vous aider à le mettre en place le jour J aux aurores, les plis de soie mettant du temps à retrouver leurs lignes exactes.
- Faire un chignon ou se rendre chez une coiffeuse car c’est particulier, il faut que le chapeau tienne.
- Porter le costume noir et cossu toute la journée (souvent sous la chaleur de mai et sans pouvoir en enlever une partie ou déboutonner sa chemise)
- Porter des chaussures à talons, pour le bon balancé de la robe (au bout d’une dizaine de kilomètres, la démarche est souvent très élégante et nos pieds s’en souviennent).
- Pas trop de maquillage, pas trop de vernis à ongle voyants.
Toutes ces injonctions, faites aux femmes uniquement, m’ont ramenée à ce qu’on nous demande au quotidien : être belle et maitrisée. Alors que les hommes, eux, peuvent simplement enfiler leur costume de tous les jours, sans avoir à se soucier une seconde de tout ce à quoi nous devons porter attention.
Mais disons-le clairement, au-delà des traditions, si les hommes portent l’habit de l’Autorité, c’est parce que c’est le rôle principal qu’on leur a désigné. Et si les femmes doivent encore enfiler le costume qui les renvoie à leur condition féminine, c’est qu’on continue, malgré tout, de leur assigner cette place.
Cette année à la Fête Dieu, j’ai décidé d’enfiler le costume d’Autorité. Cet écart m’a évidemment valu des remarques mais quand j’expliquais simplement que j’étais venue en autorité, l’étonnement laissait place à l’acquiescement. Une nouvelle élue (hors PS) m’a même dit que si elle avait su, elle aurait fait pareil.
Comme quoi la peur du changement est souvent plus grande que le changement lui-même.
Aude Rapin