La Suisse n’avait pas connu pareille mobilisation depuis longtemps. Des rassemblements spontanés, des cortèges improvisés, des manifestations organisées dans tout le pays. Partout, des milliers de personnes se lèvent pour dénoncer le massacre à Gaza et la complicité silencieuse de la Suisse. Ces élans populaires font chaud au cœur dans un pays qui se veut neutre mais s’enfonce, chaque jour un peu plus, dans une inertie conservatrice.
Malgré la répression croissante et les intimidations policières, la rue se fait entendre. Tout le monde l’a entendu. Sauf peut-être nos dirigeants. Du Conseil fédéral au Parlement, c’est le silence. Un silence gênant, assourdissant. Et le portevoix de cette politique de lâcheté se nomme Ignazio Cassis. Ou « Ignazio le collabo » pour reprendre les mots de Carlo Sommaruga.
Ni la reconnaissance de la Palestine, ni la moindre sanction contre un État accusé de crimes de guerre : notre pays s’est clairement rangé du côté des complices. Appeler cela « neutralité » est une insulte à l’histoire humanitaire de la Suisse. Car rester muet face à l’injustice, c’est choisir le camp du plus fort.
Mais le problème dépasse une seule personne. Il touche à la structure même du pouvoir fédéral. La collégialité, principe sacré de notre démocratie, ne saurait devenir un bouclier contre la responsabilité morale. Quand une politique commune entache la crédibilité humanitaire de la Suisse, chaque membre du Conseil fédéral doit choisir : la conscience ou la complaisance. Et soyons clair, cette politique consensuelle et molle a assez duré. Car oui, nos dirigeants aiment se réfugier derrière la bienséance, le consensus et le compromis. Mais ces vertus deviennent des lâchetés quand elles masquent l’indifférence. Peut-on vraiment continuer à parler de « prudence diplomatique » alors que des enfants meurent chaque jour sous les bombes ? Quelle est la valeur d’un débat cynique sur Infrarouge pendant qu’un peuple entier est privé de dignité et de terre ?
Il est temps de rompre avec cette neutralité qui n’en est plus une. Il est temps que celles et ceux, au sein du gouvernement, qui ont encore un reste d’humanité, brisent le silence. Briser la collégialité, c’est aujourd’hui un acte de conscience, pas de trahison. Car demain, l’histoire jugera, et nul ne pourra dire : « Je ne savais pas. »
Pendant ce temps-là, la mobilisation, elle, ne faiblit pas. Ce 11 octobre, ils étaient plus de 10 000 personnes à Berne à occuper la rue sans autorisation. Parce que face à l’injustice, on ne quémande pas le droit de crier. Le droit de manifester n’est pas négociable ; il s’impose comme un souffle de dignité. Et face à une répression toujours plus extrême, la rue s’organise et se défend avec une détermination remarquable. Si nos gouvernants complices préfèrent l’oubli, l’Histoire, elle, retiendra celles et ceux qui ont tenu bon, qui ont défendu leurs idéaux malgré la répression acharnée des autorités. Une répression documentée et dénoncée par Amnesty International.
Tandis que la Ville de Sion cherche à faire taire la rue, il est plus que jamais crucial de tenir bon et de se rappeler l’essence même de nos combats. Ces paroles entendues lors d’un des nombreux rassemblements en Suisse romande résonnent aujourd’hui avec une intensité féroce :
La libération, elle ne tombera jamais du ciel, elle doit s’arracher, elle exige un pas de plus, elle exige un sacrifice de plus et un acte de plus. Et cette lutte, elle commence ici. C’est dans nos rues qu’on doit briser la complicité de nos gouvernements. C’est ici même qu’on doit agir. Et soyons clair, face à un génocide des marches symboliques ne suffisent pas. Face à une idéologie coloniale et au sionisme, les mots seuls ne suffisent pas. Face à la traitrise des classes politiques, voter ne suffira pas. La résistance palestinienne a déjà choisi la voix de la dignité. […] Quand il faudra désobéir, que répondrons-nous ? Résistance ! Quand il faudra risquer un peu de notre confort, que répondrons nous ? Résistance ! Alors oui camarades, unissons-nous pour faire tomber ce système, unissons-nous pour faire tomber cette idéologie suprémaciste.
Yoann Bodrito, rédacteur en chef