Le Journal de Savièse du mois de septembre 2025 a publié l’analyse du match de football du 20 septembre dernier de l’équipe du FC Savièse contre l’équipe du CS Romont.
Dans l’article, le journaliste écrit « Sans faire affront à Mendy, Mayi et Barre, les attaquants de couleur, rapides et robustes, l’équipe fanion du Stade St-Germain a perdu de son côté attachant… pour gagner peut-être en efficacité. ». Des photos des joueurs en question viennent soutenir le propos.
Sur le papier, ce ne sont que de simples phrases, que l’on pourrait croire anodines de prime abord. En réalité, un article ciblé et ouvertement raciste.
Pourquoi préciser la couleur de peau de ces joueurs ? Quelle pertinence dans un contexte sportif où seules les performances et l’esprit d’équipe devraient compter ? Aucune.
Le journaliste laisse entendre que la présence de joueurs « de couleur » ferait perdre à l’équipe de Savièse son identité et son caractère attachant pour le public. Il les réduit à leur couleur de peau, plutôt qu’à leurs qualités sportives et de membre de l’équipe. Avec cette distinction, il véhicule l’idée que seule une équipe composée de personnes blanches pourrait incarner le club, ce qui banalise une discrimination directe et pousse au rejet de ceux qui ne seraient pas « comme nous » et qui n’entrent pas dans la « norme ».
Interpellé sur le caractère raciste de son article, le journaliste a déclaré au Nouvelliste qu’il n’était pas responsable de la manière dont ses lecteurs interprétaient ses propos. En réagissant ainsi, il refuse toute remise en question et choisit d’ignorer les répercussions sur les joueurs visés, dont l’un d’entre eux a d’ailleurs démissionné de l’équipe suite à ce papier. C’est un manquement professionnel grave et une indifférence dont seules les personnes qui ont le luxe de ne pas subir de telles discriminations peuvent se payer.
La Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste en Suisse est pourtant très claire à ce sujet : le/la journaliste doit éviter toute allusion, par le texte, l’image et le son, à l’appartenance ethnique ou nationale d’une personne, à sa religion, à son sexe ou à l’orientation de ses mœurs sexuelles, ainsi qu’à toute maladie ou handicap d’ordre physique ou mental, qui aurait un caractère discriminatoire.
En agissant ainsi, il a donc porté atteinte à la dignité humaine et à la crédibilité journalistique. Parce qu’écrire, ce n’est pas seulement informer. C’est façonner des représentations, influencer des perceptions et transmettre des valeurs.
Comme lecteurs·trices, face à cette indifférence et à ce manque d’empathie, il fallait agir. Nous avons donc interpellé l’auteur de l’article et déposé une plainte auprès du Conseil suisse de la presse pour que cela ne se reproduise plus. Notre démarche vise à rappeler que les mots ont un poids, surtout lorsqu’ils sont publiés dans un média local, lu par des centaines de personnes.
Camarades, le combat contre le racisme et toute forme de discrimination est notre affaire à toutes et tous. Nous devons dénoncer chaque parole, commentaire ou prétendue « blague » pour que la honte change de camp !
« Dans une société raciste, il ne suffit pas d’être non raciste. Il faut être anti-raciste. » Angela Davis
Aude Rapin et Darius Boozarjomehri