La question qui se pose aujourd’hui n’est pas de savoir s’il faudra sauver une nouvelle fois l’UBS, mais bien quand est-ce qu’il faudra la sauver si aucune mesure suffisamment stricte n’est prise.
Lors de la session de printemps, j’ai exposé au Conseil national la position du groupe socialiste sur le rapport de la commission d’enquête parlementaire (CEP) sur la débâcle de Credit Suisse, des recommandations et des interventions parlementaires déposées par cette commission.
Il faut d’abord relever l’excellent travail mené par la CEP qui a rédigé un rapport rigoureux et complet sur la gestion de la crise Credit Suisse par les autorités fédérales. Une partie des problèmes a été identifié et est désormais sur la table de notre Parlement pour traitement. La CEP a notamment très bien montré les erreurs cumulées des différents organes fédéraux.
Celles de l’ancien Conseiller fédéral en charge des finances, Monsieur Ueli Maurer, qui préférait manifester avec des sonneurs de cloches contre les mesures sanitaires, plutôt que de prendre ses responsabilités dans la gestion de la crise qui s’annonçait depuis de nombreux mois.
Celles du Conseil fédéral qui s’est simplement satisfait des informations très lacunaires de la Cheffe du Département des finances, Madame Keller-Sutter, lorsque la crise s’amplifiait ; et surtout son absence totale de volonté de règlementer efficacement le secteur bancaire.
Les erreurs des responsables du Département des finances et ceux de la BNS qui ont crus bon de gérer les problèmes de la banque par des discussions d’arrière-boutique, en contradiction totale avec les règles fixées pour la gestion de crise. Celles de la Finma, qui a accordé de vastes allègements de fonds propres sous la forme d’un filtre réglementaire, qui a masqué la situation réelle de Credit Suisse.
Le rapport montre surtout l’échec total des majorités bourgeoises de notre Parlement et du Conseil fédéral dans leur volonté de règlementer plus strictement le secteur bancaire après la débâcle de l’UBS en 2008. Dès 2015, le Conseil fédéral a fait plusieurs concessions aux grandes banques dans le développement de la réglementation Too Big To Fail, bien que la FINMA et la BNS, aient défendu des positions opposées concernant la stabilité financière. Le Parlement et l’administration se sont montrés de plus en plus réticents à durcir la réglementation bancaire. Alors que de nombreux pays avaient développé des outils, des règles et des systèmes de contrôle efficaces, la majorité bourgeoise s’est mise à genoux devant les exigences des grandes banques suisses pour favoriser leur compétitivité et leur business.
En l’espace de 15 ans, les deux grandes banques suisses ont dû être sauvées par les autorités fédérales. En 2008, il a fallu mettre 68 milliards de francs sur la table pour racheter des actifs pourris de UBS. En 2023, le sauvetage du Crédit Suisse a nécessité CHF 250 milliards de francs de liquidités et 9 milliards de francs en garanties. La question qui se pose aujourd’hui n’est pas de savoir s’il faudra sauver une nouvelle fois l’UBS, mais bien quand est-ce qu’il faudra la sauver si aucune mesure suffisamment stricte n’est prise. La question qui suit et qui donne le vertige, est de savoir si la Suisse aura les moyens de sauver une telle banque.
Les interventions parlementaires proposées par la commission d’enquête parlementaire vont dans la bonne direction et ont été soutenues par le groupe socialiste. Ces interventions représentent cependant le plus petit dénominateur commun qui a permis un vote unanime en commission. Si ces interventions sont pertinentes, elles ne seront pourtant clairement pas suffisantes.
Je ne peux qu’inviter la droite bourgeoise à ne plus se laisser intimider par les exigences d’UBS et à prendre très rapidement son indépendance vis-à-vis de la banque. Je fais ici référence aux CHF 675’000.- de dons qu’UBS a versé aux partis bourgeois en 2023. Car aujourd’hui, face au risque que constitue l’UBS XXL pour la prospérité et la réputation de la Suisse, il est indispensable de prendre des mesures déterminées.
En particulier, il doit être possible de surveiller correctement cette banque et de mettre en place des mécanismes de stabilisation nettement plus puissant que ceux existants. Le groupe socialiste a présenté son plan en 5 axes pour mieux protéger notre pays d’une prochaine crise bancaire :
- Imposer la transparence et la clarté de la structure des mega-banques
- Limiter la taille et renforcer les exigences de capital
- Responsabiliser les actionnaires et les managers par un système de dépôt temporaire des bonus et des dividendes et la réforme des AT1
- Renforcer les institutions de la surveillance bancaire et la coopération internationale
- Clarifier les objectifs et sécuriser les modalités d’un futur sauvetage.
Ces 5 axes sont développés dans un papier de position avec, pour chacun des axes, des propositions concrètes que je vous invite à découvrir sur le site web du PS Suisse (https://www.sp-ps.ch/fr/artikel/plan-daction-mieux-proteger-la-suisse-contre-la-prochaine-crise-bancaire/).
S’il est évident qu’il faut repenser notre règlementation bancaire et que cela va prendre un certain temps, il y a urgence à le faire, car une nouvelle crise peut survenir assez rapidement.
J’invite ainsi le Conseil fédéral à prendre rapidement des mesures de prévention au niveau de l’ordonnance.
Je pense en particulier à 2 éléments :
- La cleanholding ou l’obligation de couvrir avec 100 pour-cent de fonds propres les filiales Suisse et étrangère de la banque mère UBS, pour éviter le double leverage.
- L’augmentation du niveau des fonds propres durs de base CET1 au niveau de la maison-mère et du groupe.
Ces points relèvent clairement de la compétence du Conseil fédéral et doivent être mis en œuvre au plus vite pour renforcer la stabilité financière de l’UBS dans la phase transitoire jusqu’à l’élaboration de la législation.
Ça a été répété de nombreuses fois dans les médias, c’est effectivement la cupidité financière à court terme des cadres de Credit Suisse qui a précipité sa chute ; la banque n’aurait en effet pas pu faire pire. La direction du Credit Suisse s’est versée plus de 30 milliards de francs de bonus, alors que pendant la même période, entre 2012 et 2022, la banque accumulait les pertes, les mauvaises décisions, les scandales et les amendes. Oui, Credit Suisse est coupable de sa propre chute, mais le monde politique et notre règlementation bancaire lui ont permis de le faire.
Au début de la crise Crédit Suisse en 2023, tous les partis bourgeois criaient au scandale et répétaient la bouche en cœur, que ce devait être la dernière fois qu’une telle débâcle devait se passer dans notre pays. Et aujourd’hui, au moment de devoir prendre des mesures concrètes et surtout une fois la tempête médiatique passée, je crains bien que les bonnes résolutions ne soient vite oubliées.
Nous devons prendre nos responsabilité… l’UBS XXL représente désormais l’un des plus grands risques pour la prospérité et la stabilité de notre pays. Le Conseil fédéral et le Parlement doivent prendre leur responsabilité et agir !
Emmanuel Amoos, conseiller national