Depuis le début de la campagne sur les allocations familiales, les référendaires nous expliquent que la mesure n’est pas ciblée, coûte trop cher, ou que son financement n’est pas solidaire. À quelques jours du vote, prenons le temps de passer ces arguments au crible.

Tout le monde touche des allocations – parent ou non.

Un argument souvent ramené est que les gens sans enfants sont perdants. C’est refuser de voir le tableau dans son ensemble. Je n’ai personnellement pas d’enfant, mais j’en ai été un, comme, sauf erreur de ma part, 100 % de la population. J’ai donc touché, comme toute personne active aujourd’hui, des allocations familiales (certes, à travers mes parents), quand j’étais un enfant. Il est donc juste et solidaire que les personnes aujourd’hui actives financent des allocations, même si elles n’ont pas d’enfant.

Les allocations familiales sont une « AVS inversée »

Une fois que l’on a compris cela, on se rend compte que les allocations familiales fonctionnent comme une sorte d’« AVS inversée ». On commence par recevoir de l’argent quand on est enfant, puis on cotise. Pour l’AVS, on cotise toute sa vie, et on part à la retraite avec une rente vieillesse plafonnée. Si personne ne remet en cause ce principe pour l’AVS, il faut également l’accepter pour les allocations familiales.  

Le montant est fixe pour une bonne raison.

L’idée derrière les allocations familiales est simple. Un enfant ne doit pas représenter une charge insurmontable pour ses parents, et l’État verse donc un montant aux parents pour subvenir aux besoins de l’enfant. L’idée est de prendre en charge les « coûts de base » d’un enfant, au moins en partie. Cela explique que le montant soit unique : les mêmes besoins premiers d’un enfant sont pris en charge, pour tous les enfants, de la même manière. Osons le parallèle avec l’école : faudrait-il rendre l’école obligatoire payante selon le revenu des parents, ou bien s’agit-il d’une offre de base fournie à chaque enfant, indépendamment du revenu de sa famille ? Il est normal et juste que certaines prestations de grande importance soient fournies de manière universelle par l’État.

Le financement est solidaire.

Si le montant de l’allocation est fixe, ce n’est en revanche pas le cas des prélèvements sur salaire qui la financent. En prélevant un pourcentage du salaire, les personnes qui ont de plus hauts revenus cotisent plus que les personnes qui ont des bas revenus. Le tableau ci-dessous, extrait de la brochure de votation, résume bien cela :

 

Effet annuel de l’augmentation des allocations familiales après imposition

Revenu brut du ménage

CHF 50’000

CHF 100’000

CHF 300’000

Famille avec un enfant

+ CHF 249.50

+ CHF 181.25

CHF 0.00

Famille avec deux enfants

+ CHF 558.90

+ CHF 482.40

+ CHF 241.15

 

Il expose le « décompte final », cotisations salariales et versement des allocations comprises, pour les familles. Une famille ayant un enfant et un revenu brut de 50 000 CHF par an « gagnera » environ 250 CHF en plus. Si la même famille avait un revenu brut de 300 000 CHF par an, elle ne « gagnerait » rien. C’est donc, de facto, un financement solidaire.

0,42 %, c’est le maximum de la marge de manœuvre, pas le chiffre final.

Actuellement, le prélèvement sur les salaires est de 0,3 % fixe. Avec la nouvelle loi, il pourrait monter à 0,42 %. Et c’est ici que c’est important : pourrait monter. Il s’agirait désormais d’une limite haute, mais qui pourrait tout aussi bien être baissée si la situation financière le permet. Et il y a fort à parier qu’elle le permette : le besoin de financement des caisses d’allocations familiales a baissé ces dernières années, et les caisses ont réduit le taux de contribution des employeurs. La modification de la loi permettrait donc, pour la première fois, de réduire le prélèvement sur le salaire des employé-es.

Le PS s’est battu pour baisser la participation des employé-es

Refaire l’entier du débat parlementaire prendrait trop de temps, mais il est tout de même important de signaler que le PS s’est battu au Grand Conseil pour réduire la participation des employé-es au financement des allocations. Les référendaires ont été peu entendus sur la question lors des débats. Amener cet argument en campagne est donc quelque peu… étrange.

Les entreprises ont bénéficié d’avantages fiscaux de plus de 100 millions de francs.

L’État estime à environ 25 millions les coûts de ces augmentations, dont environ la moitié à charge des entreprises. D’après les analyses, l’augmentation de la masse salariale dans le canton (autrement dit, il y a de plus en plus d’actifs et actives qui travaillent par rapport au nombre de nouveaux enfants) permettra de couvrir ces coûts supplémentaires dès 2027. Rappelons que la dernière réforme fiscale cantonale a offert plus de 100 millions de francs en privilèges fiscaux aux entreprises de ce canton. Le rapport est vite fait : cette augmentation des allocations est tout à fait supportable pour l’économie valaisanne.

La politique familiale est plus vaste.

Finalement, rappelons que d’autres instruments existent pour aider les familles les plus précaires. C’est le cas notamment du Fonds pour la Famille. Récemment, le montant de l’allocation ménage versée aux quelque 11 000 familles concernées dans le canton a augmenté. Celle-ci pourra monter jusqu’à 2 100 francs. C’est un bon outil pour lutter contre la précarité des familles, et il est évident qu’il faudra aussi le renforcer continuellement. Cela n’empêche pas de renforcer aussi les allocations familiales. 

 

Je voterai OUI à l’augmentation des allocations familiales, et vous invite à faire de même !

 

Clément Borgeaud, Président du PSVr