Les êtres humains aiment compter. Ils comptent leur argent, le nombre de jours jusqu’au weekend, le nombre de calories que contient tel aliment ou encore les moutons afin de trouver le sommeil. Mais d’où vient cette manie de quantifier tout ce qui nous entoure ? Un besoin d’être rassuré ? Un besoin de contrôle ? Peut-être un peu des deux. Mais qu’en est-il de ce qui ne peut être comptabilisé ? Comment évaluer la qualité d’une relation, la profondeur d’un échange ou encore la beauté d’un paysage ?

Appliquons maintenant ce questionnement à notre système économique. On peut facilement compter le nombre d’employé·e·s dans une usine ou le nombre de pièces produites par année. On peut également quantifier la progression du chiffre d’affaires ou du bénéfice net. En revanche, comment évaluer l’écoute, la présence ou les compétences données gratuitement à quelqu’un ? Comment quantifier en espèces sonnantes et trébuchantes les soins apportés à un proche ou encore l’aide gratuite que l’on met au service de la collectivité ?

Selon les dernières estimations de la Société suisse d’utilité publique, environ 17 milliards d’heures de travail sont effectuées en Suisse chaque année. Moins de la moitié de ces heures sont rémunérées. Cela signifie que chaque année, en Suisse, environ 9 milliards d’heures de travail ne sont pas rémunérées ! Une majorité de ces heures de travail non rémunérées sont effectuées dans le cercle familial pour des tâches ménagères et des soins à des proches, tandis que 600 millions d’heures par année sont consacrées au bénévolat sous différentes formes (associations villageoises, organisations à but non lucratif, etc…).

En clair, la majorité du travail fourni par la population Suisse n’est pas rémunéré et passe donc sous les radars de nos indicateurs économiques et de nos assurances sociales. Il y a aujourd’hui, plus que jamais, un besoin urgent de redéfinir la notion « travail » et sa valorisation. Peut-être en introduisant un revenu de base inconditionnel ?

« Si le bénévolat n’est pas payé, ce n’est pas parce qu’il ne vaut rien, mais parce qu’il n’a pas de prix. »   Sherry Anderson

Yannick Morand, directeur adjoint Fondation Compétences Bénévoles