Constituante: arrêt sur travaux

Après la pause obligatoire Covid 19, les travaux de la Constituante ont repris au début du mois de septembre. Les plénières de la Simplon Halle de Brig ont pour but d’examiner les principes émis par les trois commissions.

Dès l’ouverture de la session, nous sentons que le vent a tourné. Les ambiances qui permettaient des échanges fructueux et des décisions consensuellement ouvertes au sein des diverses commissions ne sont plus d’actualité. Les vieux démons passéistes sont de retour, avec leurs porte-paroles en mal de notoriété ; celles et ceux qui n’ont pas compris que la Constitution qu’ils·elles écrivent n’est pas destinée à hier, ni à aujourd’hui, mais à demain…

Les positions ultra-traditionnelles président aux débats de bout en bout. La ligne d’opposition gauche/droite  est tirée au cordeau et les nombreux amendements de partis mettent à mal le travail fourni par les commissions.

« Nous ne posons là que des principes » nous répète-t-on à l’envi ; «  les articles définitifs viendront plus tard… ». Pourtant, lors des discussions, nous sentons que les enjeux importants sont déjà là.

Par exemple, lors de la discussion Eglises/Etat, il ne sera pas possible de nommer autrement les «Eglises», pas envisageable de remplacer ce terme par « communauté », « collectivité religieuse » ou toute autre formulation plus ouverte… «Ce sera Églises ou rien!» répondent, dans leur arrogante majorité, les membres de l’assemblée, y compris quelques anticléricaux notoires… Dès lors, il est légitime de se demander si nous allons – sur ce sujet important – vers l’acceptation de principes qui ressemblent à s’y méprendre – quand ce ne sont pas les mêmes – à ceux de la Constitution de 1907… Pourtant, là aussi le Valais a changé ! Tant sur le nombre de personnes qui sont encore croyant·e·s-pratiquant·e·s, que sur l’influence du clergé sur la vie des Valaisan·ne·s. Où est donc passée la belle volonté d’adapter les textes fondamentaux à l’évolution de notre société ? Même les impôts ecclésiastiques, qui n’ont plus grand sens aujourd’hui, ne seront pas abolis !

Mais la Constituante franchit le pas de trop, lorsqu’elle donne un blanc-seing à la formation politique VLR (Valeurs libérales radicales) pour réécrire le travail de la commission 2.  Ce qui est présenté comme un « amendement »  fait en réalité passer à la trappe les quelques avancées intéressantes qui avaient émergé en commission. Tout cela sans discussion, sans réflexion de l’assemblée, en un clic de vote. Sous prétexte que la commission a trop « détaillé » son travail, la formation VLR – avec l’accord de la majorité – va « guillotiner » leur rapport, selon la formule évocatrice de Florian Evéquoz d’Appel Citoyen. Balayer ainsi la réflexion d’un groupe d’élu·e·s, en arguant du fait qu’il suffit de se référer à un seul article de la Constitution fédérale est inadmissible. Car il s’agit de droits fondamentaux, rappelle Caroline Reynard. Et les droits fondamentaux doivent être inscrits de manière explicite, afin que leur lecture soit directement accessible et lisible par toute la population.

Malgré d’éloquentes interventions, malgré de solides démonstrations pointant leur pertinence dans le monde actuel, ni le droit de vote à 16 ans, ni celui des étrangers ne trouve grâce aux yeux de cette assemblée, dominée par quelques politicien·ne·s qui se réclament exclusivement du « Vieux-Pays » pour penser l’avenir…
Le parti radical valaisan nous avait habitués à plus de capacité d’ouverture et d’humanisme… Que signifie aujourd’hui ce ralliement à la droite conservatrice? Que cache cette adhésion à la pensée de partis rétrogrades, qui mettent gravement en péril la modernité de notre future Constitution ?

La seule éclaircie dans ce tableau plutôt sombre est pour moi l’acceptation d’un article veillant à   « une représentation équilibrée des hommes et des femmes au sein de l’administration et des autorités ».

Quoiqu’il en soit, la Constituante s’est engagée à prendre l’avis des partis, des associations professionnelles et de toute personne intéressée par le sujet, sans oublier les enfants et les jeunes, car cet acte fondateur est écrit pour eux. Dans les tourmentes du monde actuel, quel avenir pourront-ils s’inventer ? A nous de recueillir leurs doutes, leurs espérances, leurs visions du monde à venir et d’en tenir compte dans l’écriture de cette nouvelle Constitution. Nous ne pourrons pas faire l’impasse sur ce questionnement. Ces premiers échanges avec le peuple seront d’une importance capitale, pour donner à voir et à comprendre les enjeux de cette Constituante.

Janine Rey-Siggen