La Constituante en quarantaine

Les travaux de la Constituante allaient bon train, les rapports des dix commissions commençaient à être dévoilés, les rapports de minorité pointaient les divergences qui devaient être aplanies en plénum.

Les séances plénières justement étaient fixées en avril, mai et juin. Pour ma part j’étais satisfait du travail de ma commission tant au niveau du déroulement que du résultat unanime. Nous devrions être en train de boucler cette première phase de travail qui aurait permis dès cet été de lancer la large consultation sur les premiers principes et articles de cette future et prometteuse constitution.

Oui mais un grain de sable s’est glissé dans cette belle machine en route, enfin bien plus petit qu’un grain de sable : un virus s’est abattu sur le monde entier. Au début nous regardions les images des Chinois luttant contre cette nouvelle maladie et construisant en quelques semaines des hôpitaux, c’était loin de nous et de nos préoccupations journalières, mais quand nos voisins italiens ont été touchés de plein fouet, tout s’est emballé. Le monde, la Suisse, le Valais, la Constituante se sont mis en quarantaine.

Une pandémie sans précédent à mis le monde à genoux, démontrant la force des uns et des unes, les faiblesses des autres, que ce soit individuellement ou collectivement. Les séances prévues de la Constituante ont justement été annulées, par étapes aussi comme pour les décisions du Conseil Fédéral : pas de sessions en avril ni en mai, puis dans un deuxième temps suppression de celles de juin. Nous nous reverrons si c’est possible à la rentrée de fin août. En effet, 20% des membres de la Constituante sont des personnes dites à risque ou vulnérables ; difficile alors d’imaginer des débats sans elles ou à distance entre 130 personnes !

Dans le contexte actuel, chaque personne est centrée sur les décisions qu’elle doit prendre pour sa protection et celle de ses proches ; pour moi et pour beaucoup d’autres il y a aussi les décisions lourdes de conséquences au niveau professionnel puisque je dirige une fondation qui accompagne plus de 400 personnes en situation de handicap. La priorité est d’assurer leur santé tant physique que psychique, et également bien entendu celle de mon personnel dans cette situation de confinement. Il faut aussi diminuer l’impact financier pour l’institution et continuer à traiter les dossiers en cours car tout laisser en plan ne facilitera pas la reprise.

Et justement maintenant nous sommes dans la situation de préparer le dé-confinement et c’est encore plus difficile que la fermeture et le repli de la mi-mars. Les décisions sont encore plus lourdes de sens dans ce contexte mouvant et devant l’inconnue quant à l’évolution de cette pandémie.

Alors c’est vrai que lire les documents reçus pour 7 commissions est, je l’avoue, passé à l’arrière-plan. Et je n’attends pas les textes des 3 dernières commissions avec l’impatience qui m’habitait avant la mi-mars. Pourtant, je sais que comme tous les membres de la Constituante, je vais me remettre à la tâche cet été non seulement pour éplucher ces nombreux rapports mais aussi et surtout pour échanger dans le cadre du groupe Gauche Citoyenne et Parti Socialiste du Valais Romand tout comme avec mes amis, partenaires divers et autres connaissances de tous bords.

Et cette période unique que nous vivons va, j’en suis certain, éclairer le contenu de la future constitution valaisanne, car nous avons pu expérimenter la « prise de pouvoir » du Conseil Fédéral qui à mon avis a été profitable à l’ensemble du pays. Personne n’est entièrement d’accord avec les décisions que nos « sept sages » ont pris, le dernier sondage a montré un tiers de satisfaits et un tiers voulant aller plus vite pour le dé-confinement et un tiers plus lentement. Au niveau cantonal nous avons aussi pu prendre la température de notre gouvernement, sans surprise à mon avis, ni bonne ni mauvaise. Mais cette pandémie nous démontre à l’envi le besoin de structures et de matériel médicaux performants, et surtout de personnel engagé et reconnu à leur juste valeur. Et cela aussi dans les besoins de base de la société, il n’y avait qu’à suivre sur les réseaux sociaux les appels à remercier toutes les professions engagées dans cette lutte contre le virus et le maintien de la vie quotidienne de toute la population en assurant les besoins primaires.

Il faudra donc que cette nouvelle constitution tienne compte, comme elle semble le faire pour l’instant dans cette première phase, des besoins de la société, de la culture, de l’économie et de l’environnement, et cela pour les générations futures.

Jean-Marc Dupont