La méthode des températures

 

Les plus anciennes et anciens d’entre nous s’en souviendront encore, les plus jeunes en souriront : au nom de Dieu (tout puissant en la matière également) la génération de nos grands-parents et peut-être aussi de nos parents tentait un contrôle des naissances au moyen du thermomètre, pour ne pas contrevenir aux préceptes largement en vogue alors sous nos latitudes.

Sans considération de telles catéchétiques préoccupations, le constituant valaisan a également sorti son appareil de mesure de la température ambiante, électronique et en ligne, signe des temps. Une large consultation vient d’être menée, à laquelle ont répondu près de 7’400 utérus citoyens et 154 matrices institutionnelles. Pour que le fœtus ait quelque chance de faire son nid et de prospérer, il faut en effet que le milieu soit propice. Les analyses sont en cours, les résultats sont attendus avec impatience.

Au-delà des indicateurs précis qui seront ainsi livrés, à n’en pas douter très nombreux et parfois contradictoires, ou partiaux parce que motivés par une lecture trop sectorielle de la réalité et non pas holistique socialement et politiquement parlant, les futurs parents vont maintenant entrer dans une phase cruciale. Puisque la grossesse a été voulue par – presque – tous les acteurs concernés, il ne faut plus reculer. Point d’interruption volontaire du processus, ce serait mal vu dans notre canton.

Comme toute génitrice et tout géniteur, les constituantes et constituants doivent faire face à deux courants contraires : miser sur la sécurité du terrain connu et donc ne pas trop innover, ou à l’inverse prendre le risque de ce qui n’a pas encore été expérimenté, mais de ce qui paraît des nouveautés souhaitables. Leur chemin est tracé sur le fil de cet équilibre instable. Parce qu’au final la politique est l’art du possible, rien ne sert de combattre des moulins, de foncer contre un mur ou de jouer les funambules à la lisière du précipice. Sans oublier toutefois l’objectif à atteindre, à savoir offrir aux générations présentes et futures ce que l’on pense être le meilleur, fût-ce au prix de quelques dépenses nouvelles mais nécessaires.

C’est dans cet état d’esprit que doivent désormais se poursuivre les travaux de la Constituante : oser raisonnablement, se permettre même un petit grain de folie de temps à autre, s’il a des chances d’éclore et de croître, préparer le terrain pour la venue de l’enfant à naître afin que celui-ci soit favorablement accueilli.

Contrairement à ce que l’on entend parfois, après la première phase des travaux en commissions thématiques et en plénum, la naissance de l’œuvre reste contrôlée. Pour l’heure, il ne fait n’y trop chaud ni trop froid, l’espoir est permis. Même si certains atavismes doivent encore être vaincus, la future Constitution promet de belles avancées. Un beau bébé en somme, qu’il faudra en temps voulu adopter tel quel, puisqu’il ne sera plus temps à la fin de choisir la couleur de ses yeux, sa taille , ni même son sexe . Continuons à faire en sorte qu’il soit bienvenu pour tout le monde.

​Olivier Derivaz