L’ARMÉE CONTRE LA DÉMOCRATIE

Le peuple suisse ne votera pas sur l’achat des F-35 américains avant la signature des contrats d’acquisition. Fin août, le Conseil fédéral a douché les espoirs des opposants à l’achat de l’avion US. Les auteurs de l’initiative dénoncent une « lâche manœuvre d’évitement », alors que le choix du F-35A est devenu un véritable scandale d’État.

Le Conseil fédéral a indiqué que le Département de la défense transmettra au Parlement son message sur l’initiative « Stop F-35 » d’ici la session de décembre 2022. Cette annonce exclut la possibilité de voter sur l’initiative du Groupe pour une Suisse sans armée (GSSA), du PS et des Verts en mars 2023, soit avant l’expiration de la validité des offres contractuelles américaines.

 

DU BOUT DES LÈVRES

Le 27 septembre 2020, les citoyennes et les citoyens suisses ont accepté du bout des lèvres, par 8’000 voix d’écart (50,1 % de oui !), l’acquisition de nouveaux avions de combat. Aujourd’hui, la question n’est plus de remettre en question cette décision, mais de contester le choix du Conseil fédéral d’opter pour l’avion américain F-35A.

C’est pour cette raison que les opposants à cette stratégie gouvernementale ont récemment déposé une initiative populaire munie de plus de 100’000 signatures et intitulée « Stop F-35 »). Mais pour les raisons de calendrier mentionnées ci-dessus, il est quasi certain que le peuple suisse sera placé devant le fait accompli et qu’un vote sur l’initiative n’aura plus guère de sens. Il est vrai aussi que le gouvernement suisse joue sur du velours, en ce sens que la guerre en Ukraine a de quoi refroidir les ardeurs pacifistes et antimilitaristes.

 

ERREUR OU SCANDALE ?

Député socialiste au Conseil national et membre de la Commission de politique de sécurité, Pierre-Alain Fridez se demande, dans un remarquable ouvrage qu’il vient de publier*, si le choix du F-35A américain relève d’une erreur grossière ou d’un scandale d’État. Assez rapidement, il penche pour le second terme de l’alternative. À l’issue d’une procédure totalement opaque, les autorités suisses sont parvenues à la conclusion, à la surprise générale, que cet avion était le meilleur pour la Suisse et de loin le moins cher.

HUIT MILLIARDS DE PLUS !

Or, c’est tout le contraire qui est vrai.

  • Les soumissions n’ont pas été traitées de manière équivalente.
  • Le F 35A est un avion furtif profilé pour des attaques en territoire ennemi (ce qui n’est pas la mission de l’armée d’un pays neutre) et pas pour la police et la défense aérienne.
  • Ces tâches pourraient être mieux accomplies avec l’un des concurrents européens au F-35A, soit l’Eurofighter développé par quatre pays européens ou le Rafale français, lesquels permettraient aussi l’intégration de la Suisse à une Europe de la Défense, alors que l’avion américain rapproche la Suisse de l’OTAN.
  • Le F-35A collectionne les mauvais points : le plus cher, en particulier à l’entretien, des problèmes techniques à répétition et surtout un avion toujours en développement auquel il faut changer le moteur.
  • L’affaire est surtout scandaleuse sur le plan financier. Alors que le Conseil fédéral s’évertue à faire croire que l’acquisition de trente- six F-35A avec les coûts d’entretien sur trente ans ne dépassera pas 15,5 milliards de francs, Pierre-Alain Fridez, au terme de son enquête, arrive à un coût total de 23 milliards !

 

Jean-Claude Rennwald, Ancien Conseiller national (PS), militant socialiste et syndical

 

* Pierre-Alain Fridez, Le choix du F-35. Erreur grossière ou scandale d’État ?, Éditions Favre, Lausanne, 2022.