Deux initiatives sur les retraites, la dignité ou l’individualisme

 

Les votations du 3 mars nous mettront face à un véritable choix de société en matière de retraite: voulons-nous faire un pas en direction du principe constitutionnel selon lequel toute personne a droit à une vie digne une fois à la retraite en disant OUI à l’initiative pour une 13e rente AVS, ou bien ouvrir la voie à la retraite à 67, 68, 69… ans en approuvant l’initiative des jeunes libéraux(-radicaux) qui souhaite lier l’âge de la retraite à l’espérance de vie? Pour le Parti socialiste, le choix est limpide.

 

Le débat public a amené sur le devant de la scène les traditionnels arguments de la droite économique : une 13e rente coûte trop cher, elle ne sera pas finançable à terme, etc. — jusqu’à voir les sbires du libéralisme prétendre sans honte être du côté du contrat intergénérationnel et de la solidarité, alors qu’elles et ils ne souhaitent rien d’autre que faire travailler les gens plus longtemps, peu importe la pénibilité du travail.

Mais il y a un point qui échappe au texte des libéraux et aux pseudo-arguments qui l’appuient : le nombre d’emplois disponibles. Ce n’est pas parce que subitement, la population devra travailler, 1, 2, 3… années de plus que des places de travail se libéreront pour ces « nouvelles et nouveaux travailleuses et travailleurs ». On sait déjà aujourd’hui que le taux de chômage longue durée est bien plus élevé chez les personnes de plus de 55 ans que chez le reste de la population, et qu’elles peinent à retrouver un emploi.

Cette problématique est loin d’être anodine : augmenter l’offre des travailleuses et travailleurs sur le marché sans que la demande n’augmente en parallèle engendrera de facto une pression vers le bas sur les salaires, ce qui se traduira forcément par une stagnation de la masse totale des cotisations salariales. On ne fera donc que précariser les aîné·es en les mettant en concurrence plus longtemps avec le reste de la population sur le marché du travail. Ce n’est pas ainsi que l’on « sauvera » l’AVS (même si ses finances se portent actuellement bien selon les prévisions du Conseil fédéral lui-même).

Face à une question aussi complexe que celle de la stabilité financière du système des retraites, osons revenir aux fondamentaux. L’AVS poursuit, depuis le début de son existence, un objectif simple : après une vie de labeur, il devrait être possible de vivre dignement en percevant une rente, grâce à la solidarité entre toutes et tous. En effet, dans l’AVS, celles et ceux qui gagnent beaucoup cotisent plus que celles et ceux qui gagnent peu, mais tout le monde a droit à la même rente maximale.

Ce principe de solidarité fait défaut dans la répartition des gains de productivité. La productivité du travail n’a cessé d’augmenter depuis des décennies — et les nouvelles technologies contribueront certainement à ce que cela se poursuive. Pourtant, loin de profiter à celles et ceux qui créent de la richesse, ces gains sont captés par les détenteur/trices des moyens de production. Il suffit pour s’en convaincre de constater l’accroissement démentiel de la fortune des plus riches, alors que les plus précaires traversent une grave crise du pouvoir d’achat.

Pour financer durablement les retraites — et l’ensemble du système social —, il n’y a pas de recette miracle. Il faudra prendre là où il est, en renforçant la solidarité entre toutes et tous.

Aujourd’hui, nous pouvons réussir un coup double : offrir un bol d’air nécessaire aux retraité·es en disant OUI à la 13e rente, et réaffirmer notre attachement à la solidarité et à la dignité en rejetant clairement l’initiative des jeunes libéraux(-radicaux).

Clément Borgeaud, Président PSVr 

Le PeupleVS 2023