Nous sommes début juin (au moment où j’écris ces lignes) et il n’est nullement nécessaire d’avoir une boule de cristal pour prédire un oui à l’imposition minimale des grandes entreprises. Ce texte sera néanmoins rejeté par une partie de la gauche dont une majorité de l’électorat du PS. Pour bien comprendre le refus de ce projet, un bref rappel du contexte en 3 points s’impose.
- L’OCDE estimait en 2017 que les grandes entreprises économisent chaque année jusqu’à 230 milliards d’euros d’impôts au niveau mondial
- En 2013 lors des premières discussions au sujet de cet impôt, le taux minimal proposé était de 21%. Grâce à un intense travail des lobbyistes des multinationales et avec le soutien des milieux économiques et des partis de droite, ces 21% ont été amputés de 6%, pour arriver à un « compromis » de 15%.
- Le taux d’imposition moyen sur les bénéfices a drastiquement chuté en 20 ans pour passer de 33% à près de 23% (moyenne OCDE).
Et la Suisse dans tout cela me direz-vous ? La Suisse profite allègrement de cette situation et son statut de paradis fiscal (justifié) continue d’attirer de nombreuses entreprises parmi les plus polluantes et inutiles du monde. Le canton le plus célèbre en la matière étant Zoug avec un taux d’imposition de 11%.
Et où se situe le problème avec l’acceptation de cette loi qui permet à la Suisse de percevoir environ CHF 2 milliards de recettes supplémentaires ? Le problème vient de la répartition. 75% iront aux cantons tandis que seulement 25% iront à la Confédération. Certains cantons (parmi lesquels Zoug et Bâle-Ville) ont déjà annoncé qu’ils réinjecteraient l’intégralité de cet argent sous forme de subventions pour les multinationales. Dis simplement, cette hausse d’impôt n’en est pas une, car l’argent qui est pris d’un côté est redonné de l’autre côté à ces mêmes entreprises, simplement sous une autre forme. Voilà pourquoi la droite et les entreprises ont accepté sans broncher cette réforme imposée par l’OCDE et le G20.
Qu’aurait-on pu faire avec une meilleure répartition de cette manne supplémentaire ? Les projets qui auraient pu bénéficier de ce financement ne manquaient pas : 13ème rente AVS, amélioration du 2ème pilier, congé parental, soutien à la mobilité douce, projets pour des énergies renouvelables, etc… Des projets souvent rejetés par la droite sous prétexte que leur financement n’est pas assuré. Et lorsque des recettes supplémentaires sont prévues, les milieux bourgeois décident qu’il est préférable de les attribuer aux multinationales.
N’oublions pas que ces multinationales utilisent les routes publiques pour distribuer leurs produits, payées par nos impôts. Ces multinationales utilisent les cerveaux et les bras d’employé.es formé.es dans des écoles publiques, payées par nos impôts. Ces multinationales bénéficient des crèches publiques pour que leurs employé.es puissent faire garder leurs enfants, financées par nos impôts. La liste de tous les avantages dont jouissent les entreprises est longue. Elles ont donc un devoir et une responsabilité de contribuer à la juste valeur de l’environnement et des infrastructures dont elles disposent et aussi à la hauteur de leurs moyens colossaux.
Nous pouvons bien augmenter les salaires minimaux (mesure que je soutiens évidemment) ou encore baisser de quelques francs les charges pesant sur les ménages, mais si nous voulons vraiment améliorer la qualité de vie de la population, il faut aller chercher l’argent là où il est. Nous avons besoin d’hommes et de femmes politiques courageux.ses et d’une vision ambitieuse pour notre politique économique, car les enjeux sont trop importants pour les laisser entre les mains des entreprises privées et de leurs représentants au sein des instances politiques. Et pour l’instant, Madame Irma ne connait pas encore le résultat des élections fédérales du 22 octobre prochain.
Yannick Morand, candidat au Conseil nation pour les élections fédérales 2023