Nous avons applaudi … il est temps maintenant d’agir et de revaloriser la profession d’infirmier·ère·s.

La crise sanitaire que nous traversons permet de mettre en valeur l’inestimable travail des soignant·e·s. Pourtant tout n’est pas rose aujourd’hui dans le monde des soins infirmiers : des problèmes systémiques persistent et nécessitent des réponses claires et rapides. On ne forme pas assez d’infirmier·ère·s : en Suisse, seuls 43% des besoins en formation sont couverts. Or en Valais, comme ailleurs, on observe un vieillissement de la population avec l’arrivée des baby-boomers en âge de la retraite ainsi que l’allongement de l’espérance de vie lié aux progrès de la médecine. Nos besoins sont donc actuellement comblés par la migration, le Valais étant le 3ème plus grand employeur de migrant·e·s dans les professions de la santé en Suisse (Nidwald et Genève étant les 1er) L’Association suisse des infirmier·ère·s (ASI) rappelle qu’un personnel soignant qualifié niveau HES permet d’éviter des centaines de décès et pourrait faire économiser des milliards de francs au système de santé. Malheureusement, nos décideurs politiques valaisans viennent de formaliser la diminution des exigences de formation des soignant·e·s en créant une école supérieure (ES). Ils répondent à l’appel du volume par la diminution des qualifications ! Si le nombre est important, le niveau de formation l’est bien plus. Cette décision politique se traduit par « lutte contre la pénurie ». Comprimer les salaires d’une nouvelle catégorie de soignant·e·s, simples exécutants n’est-ce pas là la réelle ambition inavouable ?

Venons-en aux salaires des infirmier·ère·s HES valaisans. Il est bien clair que celui-ci doit suivre la courbe de l’évolution salariale des autres métiers HES. En réalité, il n’en est rien et cela est totalement infondé, nous devons le reconnaître. La différence de salaire entre un enseignant primaire fraichement diplômé (3 ans d’HEP) et un jeune infirmier (3 ans d’HES) n’est pas loin de Fr. 1’000.- / mois. Cette différence ne fait que s’accroitre avec le temps et atteint Fr. 1’500.- / mois en fin de carrière. Comment justifier une telle disparité qui ne reflète en rien la pénibilité de la profession ni le niveau de responsabilités ? Pas étonnant qu’au sein de la population résidente permanente en Suisse, près de la moitié des personnes formées comme infirmier·ère·s (45,9%) quittent leur profession. A quoi bon former davantage si les nouveaux venu·e·s ne restent pas !  Il faut dire que d’autres paramètres que le salaire expliquent cette situation. Le travail est devenu particulièrement difficile ces dix dernières années à cause du paiement forfaitaire. Avec celui-ci, on « chasse » le patient de l’hôpital plus tôt et du coup, le rythme des hospitalisations a doublé et les infirmier·ère·s sont frustré·e·s de ne pas pouvoir consacrer assez de temps à leurs malades. Les hôpitaux encaissent davantage mais le stress dans les étages s’est accru. A côté de l’insatisfaction au travail et des conditions salariales, un autre facteur vient expliquer l’attrition infirmière : c’est le conflit travail-famille dans la profession. Les tableaux de service des soignant·e·s sont établis mensuellement et impliquent des horaires hebdomadaires revus à chaque fois. Pour des parents, c’est alors la croix et la bannière afin de trouver des structures d’accueil de la petite enfance qui acceptent ces horaires irréguliers. A l’aube des importants investissements consentis par l’hôpital du Valais sur ses différents sites, rien ne changera pour son personnel car aucune crèche n’a été prévue. 

La plus grande crise sanitaire de l’histoire récente aura je l’espère, le mérite de donner une place de choix à l’initiative de l’ASI pour des soins infirmiers forts. Celle-ci, ou du moins, son contre-projet indirect actuellement à l’étude, demande justement un financement pour la formation et une amélioration des conditions de travail. Au monde politique maintenant d’agir en connaissance de cause !

Corinne Duc·Bonvin