Pour une inclusion raisonnée

 

Notre constituante a mandaté la commission 2 afin d’établir les droits fondamentaux qui protègent les intérêts les plus importants des personnes. C’est ainsi, qu’à l’article B12.2, les commissaires proposent d’y inscrire un droit concernant les enfants en situation de handicap. Les enfants en situation de handicap ont le droit de participer à l’école régulière par le biais de formes de scolarisation adéquate.

Il est à mon avis impératif d’interroger le sens de cet article et d’analyser  ses incidences sur les  enfants en situation de handicap, sur leur famille, sur les autres élèves et finalement sur les enseignants qui doivent veiller à l’épanouissement de tous les enfants qui leur sont confiés.
L’accord intercantonal sur la collaboration dans le domaine de la pédagogie spécialisée signé par le Valais, le 25 octobre 2007 stipule dans son article 2b que les solutions intégratives sont préférées aux solutions séparatives ceci dans le respect du bien-être et des possibilités de développement de l’enfant. Le cadre légal valaisan actuel place donc prioritairement le bien de l’enfant en situation de handicap au centre de ses préoccupations.
D’autre part, le concept cantonal pour la pédagogie spécialisée en Valais du 10 décembre 2014, donne mandat à des associations ou fondations de droit public ou privé pour la gestion des écoles spécialisées/institutions qui accueillent des jeunes de 0 à 20 ans ayant des besoins particuliers.
Pourquoi donc maintenir une pédagogie spécialisée pour des enfants en situation de handicap si, dans un cadre constitutionnel on décide que le fait de pouvoir participer à l’école régulière constitue un droit fondamental ?
Décider d’un droit fondamental à l’inclusion c’est croire que celle-ci constitue un objectif en soi, or elle n’est légitime que si elle permet l’épanouissement global de l’élève en situation de handicap.
Certes, certains enfants en situation de handicap bénéficient d’une scolarité intégrée qui permet la valorisation de leur rôle social et le développement de leurs aptitudes. Mais d’autres ne trouvent dans la classe régulière ni l’environnement qui convient à leurs difficultés, ni les ressources nécessaires au développement de leurs compétences intellectuelles sociales et intellectuelles. Pour ceux-là, laisser croire aux parents que l’inclusion scolaire constitue le contexte le plus favorable au développement de leur enfant est un mensonge. Agir ainsi, ce n’est pas seulement renoncer à toute possibilité réelle de progrès c’est aussi engendrer une souffrance. La réussite scolaire des enfants en situation de handicap nécessite des moyens humains, soit une prise en charge pluridisciplinaire au sein d’une classe équilibrée dont l’effectif est stabilisé. Or la logique de rationalisation et d’économies budgétaires fait que les enfants en situation de handicap se retrouvent trop souvent au sein de groupes surchargés, aux besoins déjà variés auxquels s’ajoutent les leurs. Que dire alors du sentiment d’impuissance des enseignants confrontés à une tâche ingérable dans d’un système saturé !
L’inclusion scolaire ne peut pas se penser sans que soit posée la question des limites. L’idée d’une école capable de s’adapter sans limites est un leurre dont les premières victimes sont les enfants en situation de handicap et leurs parents. Dire cela ce n’est pas renoncer à l’ambition d’une société inclusive, c’est refuser que l’inclusion scolaire soit posée comme un dogme. C’est défendre une inclusion raisonnée qui ne se limite pas à un principe égalitaire mais exige des conditions de son exercice. Ces conditions c’est tout d’abord celles de la construction d’un projet pédagogique. Ce projet doit pouvoir faire le choix de devoir différer l’inclusion en classe ordinaire, de la réduire si les besoins de l’enfant sont tels. Il doit pouvoir également faire le choix de bénéficier du recours à un institut spécialisé avec des prises en charge thérapeutique que l’école ne peut organiser. Que dire des parents soulagés par l’accompagnement de leur enfant dans une institution spécialisée ? Tous ne sont pas égaux devant la charge provoquée par l’arrivée d’un enfant handicapé.
D’ailleurs, la Commission Européenne des Droits de l’homme a reconnu (24.01.19) que la « vie en établissement spécialisé plutôt qu’en milieu scolaire ordinaire ne violait pas le droit à l’éducation des enfants en situation de handicap. Le refus d’admettre un jeune en milieu scolaire ordinaire (plutôt qu’en institution) ne saurait constituer un manquement de l’Etat à ses obligations ni une négation systémique de son droit à l’instruction en raison de son handicap. »
Ne nous trompons pas de combat. Ne cédons pas à cette facilité qui consiste à fustiger toute interrogation comme si elle procédait d’une résistance alors qu’elle procède d’une juste reconnaissance des possibles.

Corinne Duc-Bonvin