Au terme de quatre ans de travaux et de plus de 1800 votes, la Constituante a, le 25 avril dernier, par 87 voix contre 40, adopté le texte final qui sera soumis au vote du peuple début 2024. Constitué de 190 articles, le projet résulte de délicats équilibres élaborés en commission, lors de la lecture des principes et des deux lectures suivantes. Même si le statu quo a parfois prévalu et que de nombreux articles ancrent formellement ce que le canton fait déjà, le texte présente de nombreux progrès.
Et pourtant, ce n’était pas gagné à l’ouverture des travaux en 2019. Les deux groupes UDC et la famille démocrate-chrétienne, groupes à l’origine opposés à la révision totale de la constitution, disposaient en effet de la majorité absolue. Or, la position jusqu’au-boutiste et le choix de l’obstruction de l’UDC l’ont très vite marginalisée. Et si le Centre est le groupe qui a statistiquement gagné le plus de votes (78% des votes de 2e lecture selon les calculs d’Appel citoyen), des alliances entre « progressistes » (PS, Verts, Appel citoyen et VLR sur les questions institutionnelles et de société) ont permis de faire aboutir certains articles clés du projet, par exemple le droit de vote et d’éligibilité des étrangers/ères au plan communal. Dans cette configuration politique et malgré sa faible représentation (9 membres sur 130), le groupe PS et Gauche citoyenne a bénéficié d’une importante influence et a été reconnu comme partenaire majeur dans les débats formels comme dans les discussions informelles. Notre groupe, guidé par la responsabilité politique et l’objectif de faire aboutir le projet, a été proactif dans le dialogue et la recherche de compromis avec d’autres groupes. Une telle démarche suppose pour chacun de renoncer à certaines revendications en échange d’un gage d’acceptabilité politique large. Nous avons toutefois toujours été guidés par les fondamentaux socialistes.
Le groupe PS et Gauche citoyenne a voté à l’unanimité pour le projet de constitution. Est-ce que cela signifie que nous approuvons les 190 articles pris individuellement ? Évidemment pas. Cela signifie que nous considérons que le texte, dans son ensemble, correspond pour l’essentiel à nos attentes. Refuser le texte en bloc en raison de telle ou telle disposition qui nous ne conviendrait pas reviendrait à perdre de vue l’essentiel et à trahir le mandat qui nous a été confié par la population, celui de définir les bases de l’organisation cantonale pour les prochaines décennies. Cet horizon temporel rend caduc tout calcul politique de court terme. L’alternative, c’est le statu quoi.
Bien sûr, nous regrettons plusieurs éléments, notamment le maintien de « Au nom de Dieu-Tout-Puissant » dans le préambule, l’absence de salaire minimum ou encore des formulations timorées sur la représentation hommes-femmes, mais nous nous réjouissons d’avancées favorables dans au moins trois domaines.
D’abord, une modernisation des institutions démocratiques. Le principe du bulletin de vote unique pour les élections majoritaires, l’augmentation du nombre de Conseillers d’État à 7, le Conseil général en principe obligatoire dès 5000 habitants, l’introduction de la motion populaire sont autant de mesures qui ouvrent le jeu politique et renforcent l’exercice démocratique. La répartition des sièges au Grand Conseil sur la base de la population résidente totale (et non plus suisse) établit un juste équilibre entre régions. L’introduction du droit de vote et d’éligibilité des personnes étrangères sur le plan communal permet d’accorder le même droit à toutes celles et tous ceux qui font le Valais au quotidien, là où se crée le lien social.
Ce dernier élément fera l’objet d’une variante soumise au vote du peuple. Notre groupe était à l’origine contre une variante sur cette question, mais dans un esprit de compromis nous ne nous y sommes pas opposés. Cette variante aura au moins un mérite : elle empêchera les personnes, de toute façon opposées au projet de constitution, de s’appuyer sur le droit de vote des étrangers pour justifier leur position. Elle obligera en quelque sorte à un exercice de clarté.
Le deuxième élément à souligner est la modernisation et l’extension des droits fondamentaux. Droits spécifiques adressés aux enfants, aux personnes en situation de handicap et aux personnes âgées, droit à une fin de digne librement choisie, droit à une interaction humaine, droit à un environnement sain, droit à l’inclusion, notamment, tiennent compte de catégories de population vulnérables et des enjeux contemporains.
Le troisième élément que nous relevons est la modernisation des tâches de l’État. La réalisation de l’égalité entre les personnes, l’instauration d’un congé parental cantonal, la politique du logement, l’objectif de neutralité carbone, le soutien à l’agriculture et au tourisme notamment feront évoluer l’action publique en répondant aux défis sociaux, économiques et environnementaux d’aujourd’hui et de demain.
In fine, ce travail de révision n’a ainsi ni gagnants, ni perdants. Aucun groupe, aucun parti, aucun camp ne peut revendiquer la paternité du texte. Il est l’aboutissement d’un travail collectif et itératif. C’est précisément ce qui permet à chacun de s’en saisir. Un texte cohérent et équilibré qui correspond certainement aux aspirations du plan grand nombre, y-compris celles des sympathisant·e·s socialistes. Car c’est bien l’enjeu qui nous attend. Il s’agira d’expliquer et de défendre le texte, d’enthousiasmer la population pour le projet que nous proposons.
La question haut-valaisanne a marqué les débats et il est à craindre que le projet n’enthousiasme pas autant dans la partie germanophone. Notre groupe est convaincu que le texte renforce la cohésion cantonale. Car ce terme, si souvent employé dans les débats qu’il en a perdu sa substance, ne se résume pas à quelques calculs de bout de table. Est-ce que le projet péjore globalement la situation du Haut-Valais ? Absolument pas. Il établit un équilibre juste et raisonnable entre les composantes du canton. Il s’agit maintenant de dépasser les postures défaitistes et à voir le projet dans sa globalité, comme progrès pour l’ensemble du canton.
Enfin, deux éléments donnent une saveur particulière au projet de constitution. Premièrement, la plupart des élu·e·s de cette assemblée n’étaient pas des professionnel·le·s de la politique. Pour la majorité, c’était le premier mandat électif. En ce sens, la Constituante était essentiellement une organisation issue de la société civile et cela confère une légitimité d’autant plus forte au texte. Et puis, quel beau signal que le texte de notre projet de constitution soit rédigé en langage inclusif et qu’il soit signé par cinq femmes et cinq hommes. Au moment où l’objectif d’inclusion fait l’objet d’attaques de toute part, notre canton montre la voie.
Pour conclure, je remercie vivement l’ensemble des membres du Groupe PS et Gauche citoyenne pour leur motivation, leur détermination, la qualité de leur travail et pour l’excellente collaboration qui a prévalu tout au long de notre mandat. Celui-ci s’achève officiellement mais le groupe restera actif ces prochains mois pour présenter le projet aux membres et sympathisant·e·s du PSVR et pour mener la campagne, avec le Parti et aux côtés de ses partenaires, en vue d’une acceptation large dans les urnes.
Fabien Thétaz, chef de groupe